De plus en plus de personnes en France vivent dans la pauvreté et dans la précarité.
On entend dire, ici ou là, que ça ne peut pas durer, que la base va se révolter… Un jour….
Retourner dans la pauvreté devrait être un élément déclencheur de troubles. Pourtant, rien ne se passe à part quelques épiphénomènes.
Regardons le retour vers la pauvreté des peuples grec ou espagnol et constatons que de révolte, il n’y a point. Des manifestations houleuses, et au final, les plans qui saignent les plus pauvres s’appliquent, avec la régularité des notes sur du papier musique, le tout orchestré par une finance au dessus de tous pouvoirs.
Par quel miracle arrivent-ils ces financiers à faire accepter au plus grand nombre, les contraintes et la paupérisation ?
Les pauvres seraient donc les responsables de cette crise ou les riches continuent de s’enrichir ?
On nous le dit, on nous le rabâche, à la télé, dans les journaux, alors la masse le croit.
Le peuple acquiesce et courbe l’échine, il retourne à sa condition première, celle d’un siècle précédent, celle d’avant les droits sociaux.
Il retourne à une forme de féodalité ou l’autorité centrale s’associe aux seigneuries, locales ou internationales, pour défendre contre les peuples, les intérêts financiers et politiques des uns et des autres.
Comment la classe la plus pauvre peut-elle accepter cela sans se révolter ?
Cette question, je me la suis posée nombre de fois…
J’ai trouvé la réponse il y a peu, en lisant le livre de Jean-Pierre Rioux sur Jean Jaures.
Jaures « monte » à Paris pour la première fois et s’étonne en découvrant la misère du peuple ouvrier parisien. Il écrit ceci :
« Dans la ville immense, j’éprouvais une sorte d’épouvante sociale. Il me semblait que des milliers et des milliers d’hommes qui passaient sans se connaître, foule innombrable de fantômes solitaires, étaient déliés de tous liens. Et je me demandais avec une sorte de terreur impersonnelle comment tous ces êtres acceptaient l’inégale répartition des biens et des maux, et comment l’énorme structure sociale ne tombait pas en dissolution.
Je ne leur voyais pas de chaînes aux mains et aux pieds, et je me disais : par quel prodige ces milliers d’individus souffrants et dépouillés subissent-ils tout ce qui est ?
La chaîne était au cœur, la pensée était liée, la vie avait empreint ses formes dans les esprits, l’habitude les avait fixées. Le système social avait façonné ces hommes, il était en eux, il était en quelque façon devenu leur substance même.
Ils ne se révoltaient pas contre la réalité parce qu’ils se confondaient avec elle. »
Voilà donc le prodige. Les pauvres acceptent leurs maux car le système façonne leurs pensées.
La messe dite aujourd’hui par les journaux et la télé a remplacé la messe d’hier, dites par un curé, priant d’accepter le sort décidé par dieu.
On accepte nos maux en se nourrissant de leurs mots.
Ceux qui se revendiquent de Jaures aujourd'hui, sont les premiers à trahir le peuple aux profits des puissants.