Dans l’actualité récente, le « buzz » politico-médiatique a été la phrase d’un ministre, Emmanuel Macron, sur des salariés illettrés.
Si la phrase est un peu abrupte, à la place de pousser des cris d’orfraie en étant dans la réaction, il faut peut-être réfléchir à ce que dit la phrase.
La phrase exacte est :
"Dans les sociétés dans mes dossiers, il y a la société Gad : il y a dans cet abattoir une majorité de femmes, il y en a qui sont pour beaucoup illettrées ! On leur explique qu'elles n’ont plus d’avenir à Gad et qu’elles doivent aller travailler à 60 km ! Ces gens n'ont pas le permis ! On va leur dire quoi ? Il faut payer 1.500 euros et attendre un an ? Voilà, ça ce sont des réformes du quotidien, qui créent de la mobilité, de l'activité !"
L’illettrisme est un néologisme créé en 1978 à partir du terme « illettré » afin de désigner les seuls Français, sortis en situation d'échec de l'école ou ayant une connaissance de l'écrit, perdue faute de pratique, par désocialisation ou aliénation dans un emploi ne permettant pas d’utiliser ces notions.
L’illettrisme n’est donc pas l’analphabétisme.
Ce que l’on constate dans de nombreuses entreprises, c’est que les salariés lettrés qui ont les postes les plus répétitifs, réduit parfois à l’état "d’hommes machines"*, aliénés tant par la tache du travail que par les horaires de production, perdent les savoirs qu’ils n’utilisent pas.
Ils n’ont parfois pas d’autre envie, après une journée de production, que d’allumer la télévision.
D’autres salariés utilisent les savoirs, mais sur des spécialisations étroites. Vingt ans d’une utilisation très parcellaire ne peut que conduire à une perte de pans entiers du savoir.
Les entreprises, 3M n’échappe pas à la règle et le bilan formation est édifiant à ce titre, utilisent la plus grande partie du budget formation pour « sur former » les salariés les plus diplômés et laissent parfois prêt d’un tiers de leurs salariés sans réelle formation.
Le problème réapparait lors des plans de restructuration. Cela est d’autant plus vrai que l’emploi est une chose rare aujourd’hui. On ne peut plus négocier les mesures de plan de licenciements sans y mettre une forte part de formation et de remise à niveau des salariés.
Certes, la phrase du ministre montrant du doigt les salariés d’une entreprise en particulier, est une bourde. La même phrase, dans la généralité, aurait été plus correcte. Pour autant, le problème de la remise à niveau des savoirs des salariés est une vraie question. Ceux qui ont crié à hue et à dia depuis quelques jours sur le ministre auraient mieux fait d’expliquer comment eux résoudraient le problème. Il est vrai qu’il est plus facile de crier que de proposer.
* l'Homme Machine est un postulat de Julien Offray De La Mettrie qui en 1747 étend à l'Homme l'idée d'Animal-Machine que Descartes avait exposé un siècle plus tôt.